Press Review : ITW Arnaud Simon dans Libération

La Ligue 1 sort un peu des radars

Interview Arnaud Simon par Adrien Franque (5 Février 2021)

Comment expliquer la désaffection des téléspectateurs pour la Ligue 1 ?

C’est important de l’intégrer dans ce qu’il se passe plus globalement : une rupture dans la transmission de la passion sportive avec la nouvelle génération, les 15-24 ans. Cette génération regarde deux fois moins le sport en direct que celle d’avant. C’est un décrochage valable pour tous les sports. Le football s’en sort un peu mieux parce qu’il reste le plus populaire, surtout en Europe. Mais c’est un sujet qu’il va falloir prendre très au sérieux. Deux explications : la première, c’est le mode de distribution et d’accessibilité au sport. Aujourd’hui, un abonnement rigide, comme ce que proposait Téléfoot, et une offre très fragmentée, où il faut additionner les abonnements [pour suivre les différentes compétitions, ndlr], ça ne correspond pas du tout à ce que veulent les jeunes générations. Si vous voulez retrouver des fans plus jeunes, il faut leur proposer un pass club par exemple. Un supporteur de l’OM m’a interpellé sur Twitter pour me dire qu’il n’était pas du tout prêt à payer 20 euros par mois pour suivre l’intégralité d’un championnat. En revanche, il serait d’accord pour débourser 20 euros pour regarder tous les matchs de l’OM et avoir tout le storytelling autour du club, les coulisses etc.

La Ligue 1 a-t-elle aussi perdu de son attrait en tant que compétition ?

Oui, l’autre élément qui explique cette désaffection, c’est le produit lui-même. Adam Silver, patron de la NBA, a récemment déclaré que l’expérience d’un match à l’écran était actuellement digne du cinéma muet, si on compare avec ce qu’il se passe sur un écran d’e-sport. Il faut travailler les temps faibles, avec de l’expérience augmentée, et recréer de l’exceptionnel dans les formats de compétition, avec des play-offs par exemple. La routine d’un championnat n’est pas de nature à faire se lever un ado de son siège. Le projet de Super Ligue [une ligue «fermée» européenne à laquelle seuls les clubs les plus argentés du continent auraient le droit de participer, ndlr] qu’on peut trouver discutable, se nourrit de ça. La nouvelle génération demande au sport de se réinventer, dans la façon dont il est distribué et dans la façon dont il est raconté.

Mais n’y a-t-il plus de téléspectateurs qui s’intéressent à la Ligue 1 en entier, dans la dramaturgie qu’elle propose ?

Ce sont deux choses différentes : il y a l’appétence à suivre le championnat et la capacité à transformer ça en abonnement payant. Aujourd’hui, pour la plus jeune génération, cela lui suffit de picorer des extraits sur les réseaux sociaux. Et s’ils veulent regarder une dizaine de matchs en direct par an, ils vont se demander si ça justifie un abonnement. Tout en sachant qu’ils peuvent se rabattre sur l’IPTV ou le streaming illégal.

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