Propos recueillis par Aurélien Sadrin NewsTank
Je salue l'initiative parce qu’elle a été complète, approfondie et très ouverte puisque les députés sont même allés rencontrer des acteurs étrangers (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Belgique). C’est peut-être une des premières fois qu’une approche venant d'élus appréhende aussi bien la dimension économique et business du sport. C’est extrêmement intéressant, cela répond à un besoin d’intelligence collective afin de trouver les bonnes solutions pour renouveler le modèle économique du sport. Sur la partie relance du modèle économique, je retiens trois propositions fortes qui me paraissent très importantes pour redonner de l'air et des moyens aux ayants droit : -La possibilité d’allonger la durée des appels d’offres des droits de diffusion à cinq ans. -L’autorisation de créer une société commerciale pour les ligues professionnelles. -La volonté d’augmenter la dotation du fonds de soutien à la production audiovisuelle de l’Agence nationale du sport, d’adapter ses critères d’évolution et de créer un fonds spécifique dédié au sport féminin.
1.Sur la durée des appels d’offres, l’augmentation proposée est certes minime (cinq ans contre quatre actuellement), mais elle est nécessaire. Aux Etats-Unis ils sont sur des cycles beaucoup plus longs (11 ans pour la NFL) alors qu’actuellement en Europe, certains droits sont commercialisés sur trois ans et sont même souvent rechallengés (nouvel appel d’offres) un an et demi après le début du contrat. Il est impossible pour un diffuseur de construire une relation avec les fans, de proposer des modèles d’abonnement innovants, sur une durée aussi courte. Sur cinq ans, on est déjà plus dans une logique commune de construction et de partenariat entre l’ayant droit et le diffuseur plutôt que dans une espèce de frénésie et une simple forme de relation client – fournisseur aujourd’hui dépassée.
Cette problématique de la durée des appels d’offres n’est pas franco-française, elle est liée à une réglementation européenne de la concurrence, mais la France doit prendre sa part de responsabilité dans les changements à mener et je trouve ça bien que deux députés prennent le sujet à bras le corps.
La société commerciale va permettre de répondre à des soucis de cash à court terme, et c’est une réponse à un vrai besoin, mais elle va aussi permettre de s’ouvrir à de nouvelles compétences qui généreront des revenus futurs. Les ayants droit n’ont ni les moyens ni toutes les compétences seuls de procéder à ces transformations indispensables afin de développer un modèle mixte. C’était déjà le cas avant la pandémie et ça l’est encore plus aujourd’hui. La LFP peut jouer le rôle de locomotive sur ce sujet.
Financer des compétitions pour une diffusion sur Sport en France, c’est répondre à un besoin en urgence et c’est une très bonne chose puisqu’aujourd’hui certaines compétitions n’ont plus de droits et doivent en plus financer leurs coûts de production. Cependant, le « tout gratuit » a ses limites. Une Ligue professionnelle ne peut pas se développer économiquement avec ce modèle. Il ne faut pas que l’ANS se dise : « J’ai aidé une Ligue en la subventionnant, j’ai fait le job ». Il faut que ces aides servent à reconstruire un modèle économique et non pas à ce que les Ligues deviennent dépendantes de ces subventions.
Par ailleurs c’est une très bonne idée de vouloir créer un fonds dédié au sport féminin. C’est également une bonne idée de vouloir améliorer son exposition avec la liste des événements d’importance majeure. Mais il faut être vigilant avec cette liste. Il faut faire attention à ne pas enfermer le sport féminin dans un modèle de diffusion gratuite et de subventions. Encore une fois, le « tout gratuit » a ses limites et le sport féminin a aussi besoin des revenus liés à une diffusion payante, à la télévision ou sur le digital, pour se développer.
En matière de développement économique du sport féminin, le partenariat DAZN – YouTube sur la Ligue des champions féminine me semble intéressant à suivre, avec une diffusion 100% gratuite au début (2021-2023), pour améliorer l’exposition de la compétition, puis progressivement un basculement vers une diffusion mixte (19 matches sur 61 en accès gratuit sur la période 2023-2025). Le développement économique du sport féminin passe par ce type de stratégie. Si la Barclays Women’s Super league a 10 fois plus de moyens que la D1 Arkema aujourd’hui c’est parce que les Anglais ont fait 10 fois plus d’actions ces dernières années pour développer économiquement leur championnat. Avec notamment l’adossement de franchises féminines à des clubs masculins, l’accélération de leur montée dans l’élite, une pyramide marketing très bien pensée et une vraie stratégie de diffusion mixte avec Sky et la BBC sans oublier une application avec tous les matchs disponibles.
En ce qui concerne la mise en place de lots en clair pour la Ligue 1, je ne la retiens pas parmi les propositions fortes car cela me semble être plus du ressort de chaque ayant droit que de la loi. Tous les ayants droit savent aujourd’hui qu’ils ont besoin d’une exposition en clair, la Formule 1 en est le meilleur exemple aujourd’hui. Je vois donc cette proposition comme un rappel à une évidence qui ne l’était peut-être pas forcément pour tous. On voit d’ailleurs que pour la LFP les choses ont commencé à évoluer sans nécessaire recours à la loi puisqu’Amazon a conclu des accords de sous-licence avec TF1 pour la diffusion de résumés de matches de Ligue 1 dans Téléfoot, et avec la chaine L’Equipe pour le multiplex de Ligue 2.