Terminée l'ère du câble qui a fait l'âge d'or du sport à la télévision dans son traitement et le bonheur des finances des ayant-droits ! Tout le monde y a trouvé son compte : les bouquets qui ont utilisé le sport comme une arme fatale de recrutement d'abonnés, le fan qui a pu suivre les feuilletons dans son intégralité avec une valeur ajoutée éditoriale et de captation exceptionnelles et enfin les détenteurs de droits qui ont connu un manne financière jamais vue jusqu'alors. Tous les sport ont été tirées vers le haut car les grands diffuseurs de ces 30 glorieuses avaient besoin du premium dans la vitrine mais aussi des offres sportives de complément pour remplir les grilles de ces chaînes linéaires et additionner ainsi des communautés. Malheureusement et comme dirait Orelsan "la fête est finie" !
Bienvenue dans un monde digital ou le consommateur de contenus décide de ce qu'il veut, quand il veut et comme il veut. Tout l'inverse du mode d'abonnement au câble ! Le sport n'y échappe pas. Comme dans tous les autres genres, le fan écrit sa devise en lettres gigantesques sur le fronton de la nouvelle république numérique : Liberté, accessibilité, affinité.
Les conséquences sont directes et brutales pour la diffusion du sport.
Les grands noms des Chaînes du câble (ESPN, Sky, Eurosport, Canal) luttent comme la perte d'abonnés en se transformant progressivement en plateforme digitale à mi-chemin entre l'éditeur et l'agrégateur et serrent la vis sur les dépenses de droits et de production pour se concentrer sur les évènements premium "must have". Exit les bons produits complémentaires "nice to have" qui se retrouvent expulsés du jour au lendemain des ces maisons confortables et ce souvent sans préavis . Le basket français dont on parle beaucoup en est un parfait exemple mais il est loin d'être le seul. C'est une tendance structurelle et mondiale.
Le direct devient un mode de consommation exceptionnel et non plus régulier. Nous sommes submergés par des sollicitations infinies et nous devenons de plus en plus sélectif. On se réserve donc les temps forts du sport en live et pour la vie ordinaire nous allons le consommer de manière différente (near-live, extraits, snacking et storytelling). Toute façon de commercialiser et distribuer du contenu sport qui ne s'adapte pas rapidement à ce changement profond de comportement est en danger de déconnexion et de fracture. Les ayant-droits qui l'anticipent et embrassent cette évolution seront en position de force.
Quand le direct nourrit le fan existant, le near-live et le storytelling permettent d'en recruter de nouveaux.
Quand le payant finance, les extraits gratuit sur les réseaux travaillent au rayonnement et à la connexion avec de futurs fans.
Pour synthétiser je dirai que nous sommes en train de passer d'un modèle d'exclusivité rigide dans lequel le détenteur de droits déléguait sa distribution et sa promotion à ses diffuseurs à la création d'un écosystème fluide dans lequel l'ayant-droits prend toute sa part en tant qu'éditeur et média à part entière. Ils choisissent leurs partenaires certes sur des critères financiers mais aussi d'adaptabilité aux nouveaux modes de consommation et en gardant une marge de manœuvre propre sur la diffusion de certains contenus (en incluant clubs et athlètes).
Modèle ancien : je vends mes droits au plus offrant au travers d'appel d'offres très cadrés et je protège mes diffuseurs. Je suis en mode passif et juridique.
Modèle nouveau : je suis acteur de la création de valeur de mon produit. Je définis les contours de l'écosystème digital pour mes fans, je place le curseur entre le gratuit et le payant et entre la monétisation et le recrutement. Je protège mon avenir en anticipant une moins grande dépendance aux diffuseurs, c'est à dire en développant ma propre offre digitale Direct to Fans capable de vivre en autonomie mais aussi d'être embarquée à terme dans une offre digitale plus puissante. Je suis en mode actif et stratégique.
nous sommes en train de passer d'un modèle d'exclusivité rigide... à celui d'un écosystème fluide Les Chaînes payantes avaient vocation à se retrouver dans des bouquets d'opérateurs, les applications dans l'Apple Store, l'avenir des offres digitales des ayant-droits sera de se retrouver sur les plateformes media ou sur une offre TV connectée (D+, Disney +, MyCanal, Amazon, Apple TV, L'Equipe, Samsung TV, etc.).
Nous serons donc de moins en moins dans une vente pure et simple de droits mais bien dans des modèles de partage de revenus et parfois même des risques.
S'il fallait donner un seul cas d'école emblématique de ce pivotage, ce serait le changement de stratégie de visibilité pour la reconquête de fans de la Formule 1 entre l'époque Ecclestone et celle aujourd'hui du Groupe américain Liberty Media. (Et je choisis volontairement de pas citer une ligue américaine type NBA que l'on considère et à juste titre comme un très bon élève de la classe dans l'anticipation et l'accompagnement de cette mutation).
La F1 est en effet passée du tout exclusif, très fermé et tout payant avec la perte d'impact que l'on a connu vers une hybridation ajustée entre payant et gratuit (le retour de 4 grands prix en clair), entre direct et storytelling (Drive to Survive), entre réseaux sociaux libérés et diffuseurs engagés. Le renouveau en particulier aux US et chez les plus jeunes est spectaculaire.
Il s'agit donc pour les Ligues et Fédérations européennes et mondiales de surmonter un double challenge :
1.Un challenge économique de changement de modèle et donc de perte de valeurs à court terme aggravée malheureusement par presque 2 ans de pandémie mondiale.
Dans le travail effectué depuis 3 ans maintenant par In&OutStories avec les ayant-droits et les diffuseurs je constate une prise de conscience de plus en plus forte de ces enjeux et la volonté de s'y adapter ensemble.
Personne n'a la recette miracle et toute transformation de modèle est douloureuse et longue. C'est un travail en commun de reconstruction, d'adaptation, de reconquête jour après jour, étape par étape. J'en retire cependant 3 enseignements forts et clés de succès :
Encore plus important que le chemin à prendre c'est identifier les chemins à ne pas prendre ou à ne plus prendre. Eviter les mauvais choix qui enferment sur la durée et limitent la marge de manœuvre. La meilleure façon de prendre les bonnes décisions c'est de se garder la possibilité d'être très réactif. L'agilité et la capacité d'adaptation sont 2 atouts qu'il faut préserver à tout prix en période bousculée. Identifier tous ses actifs et en garder au maximum une maîtrise et contrôle. Pour les actifs que l'on "cède" avoir une exigence de visibilité et transparence maximum sur leur exploitation et une bonne évaluation de leur valeur et des revenus qu'ils peuvent générer. Etre attentif à ne pas sortir d'une dépendance pour retomber dans une autre même si c'est une solution court terme tentante car sans sortie de cash. Eviter les deals "All in" ou tous les actifs se retrouvent intégrées à un accord global avec un seul partenaire. Innovation n'est pas vision. Beaucoup de Ligues et Fédérations sont aujourd'hui bombardées de solutions technologiques. Elles sont toutes pertinentes et séduisantes mais quelles sont celles qui s'inscrivent véritablement dans la mise en place opérationnelle d'une stratégie et vont la servir ? Quelles sont celles qui ouvrent des possibilités ou celles qui rapidement peuvent être bloquantes car non évolutives ou trop propriétaires ? Quelles sont celles qui vont véritablement permettre d'améliorer la monétisation ? Quand on me demande de décrire le rôle d'In&OutStories auprès des ayant-droits, j'aime le comparer à celui d'un cabinet d'architecte qui aide à concevoir et réaliser le nouvel écosystème dans lequel le contenu va vivre et circuler pour coller aux nouveaux mode de consommation et permettre une collaboration et amplification des diffuseurs, plateformes et sponsors partenaires. Des relations privilégiées avec l'ensemble des grands diffuseurs en France et à l'International permettent clairement d'accélérer et faciliter les discussions sur la construction de ce nouvel ensemble.
Dans cet environnement qui change, nous aidons l'ayant-droit à conserver la maîtrise du volant et sa capacité de placer et déplacer régulièrement le curseur entre monétisation et reconquête. C'est un vrai travail d'horlogerie et de réglage dont les modalités sont spécifiques à chaque détenteur et doivent évoluer en fonction des retours d'expérience.
Liberté, accessibilité, affinité. Cela pourrait aussi être la devise d'In&OutStories et exprime bien la manière de collaborer et de réfléchir avec les détenteurs de droits.